Si le premier microprocesseur « officiel » est bien le 4004 d’Intel, le premier microprocesseur de l’histoire est le microprocesseur MP944 créé pour le F-14 « Tomcat ». Ce composant est resté secret de 1968 à 1998. Cet article présente la création de ce pionnier ainsi que des photos des composants. Avec un clin d’œil à Top Gun
Traduction d’un article de firstmicroprocessor.com.
Au sommaire :
Le premier microprocesseur sur le F-14 « Tomcat
20 bits, pipeline, processeur parallèle, double redondance, autotest en vol
Le premier microprocesseur au monde a été conçu et développé de 1968 à 1970. Cet article décrit le travail de conception d’un jeu de puces pour microprocesseur MOS-LSI, hautement intégré, conçu à partir de juin 1968 et achevé en juin 1970. Ce jeu de puces informatiques hautement intégrées a été conçu pour l’avion de chasse F14A « TomCat » de l’US Navy par Steve Geller et Ray Holt au sein d’une équipe de conception alors qu’ils travaillaient pour Garrett AiResearch Corp sous contrat avec Grumman Aircraft, le principal entrepreneur de l’US Navy. Les puces MOS-LSI, appelées MP944, ont été fabriquées par American Microsystems, Inc. de Santa Clara, en Californie.
Central Air Data Computer
Le jeu de puces MOS-LSI faisait partie du Central Air Data Computer (CADC) qui avait pour fonction de contrôler les surfaces mobiles de l’avion et l’affichage des informations pour le pilote. Le CADC recevait des données provenant de cinq sources, capteur de pression statique, capteur de pression dynamique, informations analogiques données par le pilote, sonde de température et entrées numériques fournies par le pilote. La sortie du CADC contrôlait les surfaces mobiles de l’avion. Il s’agissait des ailes, des volets de manœuvre et des Glove Vane (Une sorte de stabilisateurs pour le vol supersonique. Elles ont été conçues pour le F-14A. Elles sont rétractés à des vitesses subsoniques et se déploient automatiquement lors d’un vol supersonique) . Le CADC contrôlait également quatre affichages du cockpit pour le nombre de MAch, l’altitude, la vitesse par rapport à l’air et la vitesse verticale. Le CADC était un système redondant avec auto-test en temps réel intégré. Toute défaillance d’un des systèmes faisait basculer automatiquement sur l’autre.
Premier processeur aéronautique
Deux capteurs à quartz de pointe, un convertisseur analogique-numérique haute précision à 20 bits, un convertisseur numérique-analogique haute précision à 20 bits, le jeu de puces MOS-LSI et une unité d’alimentation très efficace constituaient le CADC complet. Une équipe de plus de 25 managers, ingénieurs, programmeurs et techniciens d’AiResearch et d’American Microsystems a travaillé pendant deux ans pour réaliser cet exploit de conception jamais tenté auparavant : un ordinateur complet de haute technologie pour traiter les données aéronautiques, hautement intégré. Les conceptions précédentes étaient basées sur de la technologie mécanique, composée d’engrenages et de cames de précision. Une technologie standard, utilisée commercialement pendant les cinq années suivantes, conçue pour l’environnement militaire difficile, a permis de réaliser cet exploit.
Un secret bien gardé
En 1971, Ray Holt a rédigé un article sur la conception du jeu de puces MOS-LSI qui a été approuvé pour publication par le magazine Computer Design. Cependant, pour des raisons de sécurité nationale, la marine américaine n’a pas approuvé la publication de ce document. En 1985, M. Holt a tenté à nouveau de faire approuver le document et la réponse a été à nouveau négative. Finalement, en avril 1997, il a relancé le processus et cette fois-ci, il a pu obtenir l’autorisation de publication à partir du 21 avril 1998.
Présentation du MP944
L’intégralité du contenu de ce document original de 1971, « Architecture Of A Microprocessor« , est disponible sur le site firstmicroprocessor.com. La première annonce publique du jeu de puces à microprocesseur F14A MOS-LSI a fait l’objet d’un article publié par le Wall Street Journal le 22 septembre 1998. Cet article et les détails de la conception ont été présentés publiquement pour la première fois par Ray Holt lors du Vintage Computer Festival qui s’est tenu au centre de convention de Santa Clara les 26 et 27 septembre 1998.
Une kyrielle de premières
Pour les historiens qui aiment les « premières » voici celles du microprocesseur F14 MP944 :
- 1er jeu de puces à microprocesseur
- 1er microprocesseur aérospatial
- 1er ordinateur de vol électronique
- 1er microprocesseur militaire
- 1er microprocesseur de production
- 1er microprocesseur à jeu de puces entièrement intégré
- 1er microprocesseur 20 bits
- 1er microprocesseur avec autotest programmé et redondance
- 1er microprocesseur dans une application de signal numérique (DSP)
- 1er microprocesseur avec pipeline d’exécution
- 1er microprocesseur à traitement parallèle
- 1er microprocesseur avec coprocesseurs mathématiques intégrés
- 1ère mémoire morte (ROM) avec compteur intégré
Pour en savoir plus sur le MP944
L’autobiographie du concepteur du premier microprocesseur au monde, l’appareil qui a lancé la révolution numérique. Projet militaire, il a été secret de 1968 à 1998. Une histoire d’opportunité et d’excellence. Disponible sur Amazon (pub gratuite)
Conclusion
Les plus jeunes souriront, les anciens comme moi se rappelleront cette époque où on savait tout ce qui se passait à l’intérieur du microprocesseur, et où chaque bit d’une instruction avait une signification bien particulière. Ce premier microprocesseur est resté secret, il inaugure le début des commandes de vol électriques pilotées par calculateur avec le F14. auparavant on utilisait de la tringlerie, des engrenages, de la mécanique… Il a permis un bond en avant technologique qui a rejailli rapidement dans le domaine grand public.
Sources
Quelques liens pour les curieux :
https://www.lulu.com/en/us/shop/leo-sorge-and-raymond-holt/the-accidental-engineer/paperback/product-1jqw6rpq.html?page=1&pageSize=4
Très sympa Francois de nous dégotter des articles comme ça et de les traduire.
On voit que les anciens travaillaient dur en partant de presque rien, c’est fascinant.
A propos de fascination, ceux qui comme moi on joué avec Flight Simulator sur Atari ou Amiga ou sur un compatible PC dans les années 80 devrait essayer Flight Simulator 2020 qui un logiciel magnifique totalement réécrit par « Asobo Studio. »
Quoi de plus reposant en ces temps de confinement que de se promener au dessus de l’Hudson River et faire le Tour de la statue de la liberté ou survoler la Seine à Paris à basse altitude.
Bien sur, il faut un matériel performant, voire très performant, mais ca mérite un petit effort.
Je n’ai pas d’action chez MS, ni d’actions du tout d’ailleurs, mais l’article m’a donné l’opportunité d’en parler, rien de plus. Essayez par vous même.
Bonne fêtes de fins d’années à tous.